Christmas-go-round

Publié le par lunemalo

Les jours s’enchaînent tranquillement, quel-ques nuages qui pas-sent, ciel tendu d’un bleu qu’aucun Liberty ne saura jamais re-produire. La maison s’assombrit plus tôt, au grand étonnement de la petite fille de la maison, qui associe encore et sûrement pour longtemps la nuit et son lit. Halloween approche, sans bruit, comme si cette tra-dition qu’on a tenté d’hexagonaliser n’était pas parvenue à s’enraciner sur un territoire finalement peu accueillant pour les fantômes ondulant entre deux écharpes de brume. Sautant allègrement dans le temps, par-dessus les quelques semaines qui pavent la dernière ligne droite de l’année, elle aperçoit Noël loin à l’horizon, et ses contours se précisent dans chaque touche de rouge qu’elle rencontre dans son petit univers. Et puis cette poupée qu’on a demandée, avec ses cheveux qu’on pourra coiffer, enrouler autour du doigt lorsque le sommeil pèse sur les paupières ou que la vie est moins douce, caresser infinimement comme ceux de Maman… Elle sera là enfin, et le temps qui reste avant son arrivée ne sera pas trop long pour qu’on lui trouve un nom. Marie, Ysé, Céleste ou Héloïse, rien n’est encore choisi, ce sera peut-être Emma ou Hortense, qui sait, et qu’importe…

 

 

 

  Cette année, Noël aura une autre signification. L’année dernière, c’était un étrange événement. Elle avait docilement enfilé la jolie robe et regardé les autres déchirer pour elle le papier de cadeaux pas encore amenés en secret par un bonhomme débonnaire, barbe blanche et traîneau tintinabulant dans le lointain.

  Cette année, il est fête an-noncée, Mamie et Grand-Père impatiemment atten-dus, les bougies par dizaines et le joli sapin qui parfumera l’atmosphère pour quelques jours. On sera allés le chercher sur la place, là-haut, devant la collégiale. Le même mar-chand chaque année, posté dans un coin, volon-tairement isolé des autres cabanes du marché de Noël avec sa petite forêt d’arbres attendant d’être emportés. Presque une tra-dition, déjà, malgré l’inévitable pointe de tristesse et de culpabilité lorsque le regard se pose par hasard sur la coupure franche du tronc. Trônant dans un coin du petit salon, il prendra lentement son habit de fête, boules transparentes et anges musiciens, rubans noués et guirlandes de verre enroulées, et toutes ces décorations qu’on redécouvre chaque décembre avec un plaisir si simple. Sa maman, comme toujours, refusera qu’on l’aide. Décorer le sapin, c’est son bonheur d’hiver, sa prérogative, et malheur à qui franchit le périmètre de sécurité ! Les mains dans les guirlandes, le nez dans les branches, elle réfléchit, imagine, choisit la tonalité de l’année. Du classique, toujours, pas de sapin rouge ou d’une autre couleur improbable que la mode ou un marketing peu imaginatif aurait dictée, pas de fausse neige élastique sous le doigt, pas de lumières de couleur ou de vilain plastique. Elle garde le souvenir d’une boule de verre si fine, fragile comme une bulle de savon, qu’elle déballait enfant du vieux carton où l’on conservait les ornements de fête, caressant du doigt les étoiles d’argent qui avaient résisté au temps avant de l’accrocher à l’endroit qu’elle avait soigneusement choisi, la plus belle branche, là où la lumière du soir viendrait se refléter gaiement sur l’arrondi. Elle se rappelle le parfum particulier de cette période, emplissant la pièce pendant qu’elle regardait les dessins animés, Zébulon et ses copains sentaient le sapin et la mandarine… Les jours précédant la fête étaient délicieux, le menu du dîner, les paquets cachés, sa tante qui descendait du train chargée de friandises, « tu vas bien, mon lapin ? ». Alors le sapin lui appartient, elle y tient.

  Pour ce premier vrai Noël, les préparatifs vont commencer sitôt la Fête des Morts passée. Deux mois ne seront pas de trop pour créer cette petite féerie éphémère et peindre un autre de ces tableaux de famille dont on se souviendra avec une légère nostalgie, celle des albums-photos aux pages jaunies. Cette année encore, on fabriquera des petits présents pour les invités, flacons anciens au parfum de rose, douces fleurs de laine, étoffes du passé retrouvant une nouvelle vie. Et puis on fera des biscuits à accrocher ‑ et à croquer ‑ dans le sapin, de la mousse au chocolat dans un joli compotier, des sauces mystérieuses et des pyramides de fruits odorants. Le Calendrier de l’Avent sera peut-être, si on trouve ce qu’il faut, fabriqué par Maman, et il faudra mettre de côté papiers étonnants et rubans, ficelle de lin et petits zinzins qui permettront de fabriquer des emballages, déjà un peu cadeau avant le cadeau. Faire de jolis dessins, collectionner les petits riens, une feuille oubliée par l’automne et séchée dans un gros livre, un bouton ancien ou un ruban tissé de chiffres, autrefois utilisé pour marquer l’année sur le linge. Coudre et broder de soie de délicates pochettes  et pourquoi pas une bottine de fée à suspendre au pied du lit. Fabriquer de petits anges, perles et fil d’argent, arrondir une belle branche en couronne, la piquer de gouttes de verre comme autant de perles de pluie, dessiner une danse de flocons sur la fenêtre…

 Deux mois ne seront pas de trop pour que cette mise en scène rêvée devienne réalité, deux mois à savourer au-delà des mots, comme une fourmi faisant ses réserves au temps chaud.  

 

 

 

 

 

  

Publié dans Lunes et saisons

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V
et dire que je fuis Noel et jour de l'an… meme si j'adore préparer des cadeaux que j'envoie par la poste ou que je fais livrer …
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L
Je sais... Et je sais aussi... On t'a - quelque part - surnommée la mère Noël, d'ailleurs...
L
Si jolis, tes mots! Premier Noël pour mon amour, je vois déja le plaisir que les lumières et autres papiers multicolores vont lui apporter. Du bonheur, encore et encore...
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L
Et ce plaisir est d'autant plus fort qu'il est si simple... Alors profites-en bien...
M
ça fait drôlement envie ces préparatifs!!! mais ça ressemble un peu à ceux que j'imagine quand le petit être qui grandit en moi sera de l'âge de ta puce...
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L
En attendant, tu vas en avoir un bien joli, de cadeau, cette année ;-)) Prends soin de toi...
H
Souvenirs. Nostalgie. Un peu de tristesse. Que ne donnerais-je pas pour redevenir cette petite fille qui commence à comprendre ce que veux dire cet arbre et ces décorations...
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L
Noël et Nostalgie commencent pas la même syllabe...
S
Bon c'est décidé!<br /> je viens passer Noël chez toi, j'arrive le 21 décembre en France, chez moi rien ne sera prêt (au secour!) alors que chez toi c'est déjà noël!<br /> tu réconcilierais n'importe qui avec cette fête tant on sent dans tes mots ta joie communicative.
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L
Pas cap' ! Heureusement, parce que sinon, l'armée des jalouses va venir m'assassiner ;-))